Selon une nouvelle étude de chercheurs américains, la sclérose en plaques serait provoquée par le virus d’Epstein-Barr.
La sclérose en plaques (SEP) est une maladie auto-immune qui affecte le système nerveux central. Décrite pour la première fois en 1868 par le neurologue français Jean Martin Charcot, la sclérose en plaques constitue la première cause de handicap sévère non traumatique chez les jeunes adultes et affecte environ 110 000 personnes en France.
Nous allons dans cet article décrire la SEP, le virus d’Epstein-Barr puis les implications thérapeutiques liées à leur association.
La prévalence de la sclérose en plaques est d’environ 150 cas pour 100 000 habitants, avec 4 000 à 6 000 nouveaux cas par an.
La sclérose en plaques est provoquée par une dysfonction du système immunitaire qui entraine des lésions affectant la myéline. La myéline est une gaine qui entoure les fibres nerveuses (axones) du système nerveux central (cerveau et moelle épinière). Elle a pour rôle de protéger les cellules nerveuses et d’accélérer la transmission de l’influx nerveux qu’elles véhiculent.
Une dysfonction du système immunitaire des personnes atteintes conduirait par une réaction auto-immune à la destruction progressive des gaines de myéline qui sont reconnues comme étant étrangères à l’organisme. Ces lésions sont respectivement le siège d’une inflammation, d’une démyélinisation puis, souvent, d’une dégénérescence axonale.
En fonction de leur siège et de leur sévérité, les lésions de la myéline (démyélinisation) provoquent des perturbations motrices, sensitives, cognitives, visuelles ou encore sphinctériennes, qui sont à l’origine des différents symptômes.
Les symptômes évoluent le plus souvent par poussées. En dehors des poussées, l’inflammation disparaît et la myéline se reforme en partie autour des fibres, ce qui entraîne une régression complète ou partielle des symptômes. A plus ou moins long terme, dans les cas de démyélinisation répétée et prolongée, l’influx nerveux peut ne plus circuler, ce qui entraîne alors une incapacité permanente et irréversible.
Au début de la maladie, les symptômes sont souvent passagers et variés. Ils s’installent le plus souvent rapidement en quelques heures ou jours. Ils dépendent de la zone du cerveau ou de la moelle épinière touchée par les lésions de la myéline.
Il peut s’agir de :
Le diagnostic est souvent long à poser car il n’existe pas d’examens spécifiques permettant de poser le diagnostic de sclérose en plaques.
Il repose sur un faisceau d’arguments cliniques, biologiques et radiologiques ainsi que sur le suivi de l’évolution des symptômes. Le médecin neurologue doit écarter d’autres maladies neurologiques pouvant expliquer les symptômes présentés.
Cliniquement, le médecin constate :
Le bilan complémentaire comporte :
L’évolution et la sévérité de la maladie sont très variables d’un sujet à l’autre. Il existe différentes formes évolutives.
C’est la forme la plus fréquente. Elle représente 85 % des cas de sclérose en plaques. Elle évolue sous forme de poussées.
Les premiers symptômes de la maladie peuvent apparaître en quelques heures ou en quelques jours, puis régressent totalement ou partiellement en quelques semaines, marquant ainsi la fin de la première poussée. La rémission est en général complète. Une autre poussée peut survenir quelques mois ou années plus tard.
Chaque poussée est marquée par :
Ces symptômes régressent souvent après chaque poussée, mais, au bout de quelques années, les poussées ont tendance à provoquer des séquelles irréversibles, plus ou moins invalidantes.
Dans 15 % des cas, les symptômes initiaux ne régressent pas pendant au moins six mois et s’aggravent progressivement. C’est la forme progressive de la sclérose en plaques.
Cette forme est habituellement plus sévère et survient en général après l’âge de 40 ans. L’aggravation de la sclérose en plaques est régulière, avec ou sans crise supplémentaire.
La cause précise reste à ce jour inconnue. Mais comme pour de nombreuses autres maladies, la survenue d’une sclérose en plaques semble être favorisée par une multitude de facteurs :
L’hypothèse d’une origine virale par le virus d’Epstein-Barr est étudiée depuis plusieurs années, mais difficile à prouver notamment parce que ce virus est très commun, et que les symptômes de la maladie ne commencent qu’environ dix ans après l’infection.
Une nouvelle étude épidémiologique américaine publiée le 13 janvier 2022 dans la revue Science montre que la sclérose en plaques est très probablement provoquée par le virus d’Epstein-Barr.
Les chercheurs ont ainsi suivi durant vingt ans une cohorte de plus de 10 millions de jeunes adultes engagés dans l’armée américaine, dont 955 ont été diagnostiqués atteints de sclérose en plaques durant leur service. Selon ces travaux, le risque de développer une sclérose en plaques était multiplié par 32 après avoir été infecté par le virus d’Epstein-Barr. Cette étude ne retrouvait en revanche aucun autre lien de causalité entre la sclérose en plaques et l’infection par d’autres virus.
La présence d’un taux sérique élevé d’un biomarqueur spécifique de la dégénérescence axonale (chaînes légères du neurofilament ou neurofilament light chains ou NfL) n’a été observée qu’uniquement après une séroconversion par le virus d’Epstein-Barr. De plus, ce biomarqueur ne s’élève pas pour tout autre facteur de risque connu de sclérose en plaques. Tous ces éléments réunis montrent selon les auteurs de l’étude que ce virus est nécessaire au développement de la sclérose en plaques, même si toutes les personnes infectées ne développent pas cette maladie pour autant. Il s’agirait pour la première fois de la démonstration d’une preuve de causalité.
Le virus d’Epstein-Barr ou HHV-4 ou EBV est un virus à ADN appartenant à la famille des Herpès-virus. Il fait partie des virus humains les plus communs et infecte 80-90 % des adultes dans le monde.
Après l’infection, l’EBV reste présent dans les lymphocytes. Il peut être excrété de façon asymptomatique et prolongée dans la salive, éventuellement dans les sécrétions génitales. La transmission se fait par contact étroit, essentiellement par la salive (“maladie du baiser”) et accessoirement par les relations sexuelles.
La primo-infection par EBV survient généralement au cours de l’enfance. Elle est souvent asymptomatique, ou peut se présenter sous forme peu caractéristique (syndrome grippal, asthénie, adénopathies). La mononucléose infectieuse atteint plus volontiers l’adolescent et le jeune adulte.
Après la primo-infection, l’EBV s’établit à l’état latent dans les lymphocytes B. Le génome viral y persiste sous forme épisomique (molécule circulaire d’ADN qui peut soit se répliquer de façon autonome, soit être intégrée dans un chromosome cellulaire), mais il peut aussi s’intégrer dans l’ADN chromosomique de la cellule-hôte. La réactivation est le plus souvent cliniquement silencieuse et transitoire, sauf en cas de déficit de l’immunité cellulaire.
A ce jour, il n’existe pas de traitement permettant de guérir la sclérose en plaques. Les solutions médicamenteuses proposées permettent uniquement de réduire les poussées et améliorent la qualité de vie des patients, mais ont le plus souvent une efficacité insuffisante pour empêcher la progression du handicap à moyen terme.
Les traitements actuels reposent sur les corticoïdes à forte dose en cas de poussée, pour réduire la durée des symptômes ; les immunomodulateurs, et les immunosuppresseurs.
La publication de la nouvelle étude le 13 janvier 2022 dans la revue Science suggère que la plupart des cas de sclérose en plaques pourraient être empêchés en stoppant l’infection par le virus d’Epstein-Barr. L’étude ne précise cependant pas :
Presque parallèlement à la publication de cette étude, l’entreprise pharmaceutique américaine Moderna a annoncé la semaine dernière avoir démarré des essais cliniques de phase 1 sur des humains d’un vaccin contre le virus d’Epstein-Barr utilisant la même technique d’ARN messager que celle du vaccin contre le Coronavirus SARS-CoV-2. Ce vaccin cible 4 glycoprotéines de la particule virale de surface.
À terme, si les expériences sont concluantes, ce vaccin pourrait peut-être constituer un futur traitement qui permettrait de guérir cette maladie et redonner un espoir aux 2,8 millions de personnes dans le monde touchées par la sclérose en plaques.