La complexité de la prise en charge des patients schizophrènes est telle qu’un article entier se doit de lui être consacrée. Complexe, mais également évolutive, ce qui fait de cet article un dossier ouvert, probablement remis en question d’ici quelques années.
La diversité symptomatique définissant la grande hétérogénéité des schizophrénies, impose au lecteur une certaine souplesse intellectuelle au moment où nous allons aborder la prise en charge symptomatique et diachronique des schizophrénies car, chaque cas étant individuel, l’ensemble des possibilités thérapeutiques pourra être combiné afin d’envisager une prise en charge personnalisée.
Les objectifs du traitement des schizophrénies sont multiples :
Cette complexité impose par ailleurs une prise en charge au mieux multidisciplinaire, impliquant habituellement plusieurs professions médicales, souvent plusieurs lieux de soin, mais également la famille et les services sociaux.
Enfin, il apparaît actuellement indispensable d’impliquer le patient dans une démarche psycho-éducative personnelle et de son entourage.
La prise en charge des schizophrénies se réfère au modèle biopsychosocial.
Détaillons les différentes modalités de prise en charge.
Les traitements antipsychotiques, en particulier dits atypiques (APA), correspondant à la deuxième génération des antipsychotiques, représentent le traitement de première intention et la pierre angulaire du traitement médicamenteux.
Celui-ci demeure à l’heure actuelle incontournable.
Les traitements plus conventionnels par les antipsychotiques de première génération, appelés également « neuroleptiques », demeurent intéressants essentiellement en deuxième intention, en cas d’échec thérapeutique des APA.
Les traitements médicamenteux doivent impérativement être utilisés aux doses minimales efficaces, en monothérapie (c’est-à-dire un seul médicament) autant que possible. L’association de plusieurs antipsychotiques demeurant néanmoins envisageable si la monothérapie est insuffisante.
Initialement la prise se fera oralement, sauf lorsque la réticence à la prise du traitement ou la mauvaise observance du traitement, nécessitera une voie injectable. Cette voie d’administration concerne les médications à action rapide et brève également utilisables pour traiter d’éventuels troubles du comportement (agressivité, agitation, violence), mais concerne également les traitements antipsychotiques utilisés au long cours dans le cadre de la prévention des rechutes, essentiellement lorsqu’il existe une crainte sur l’observance du traitement à long terme.
On parle alors de formes « retard ».
D’autres traitements peuvent également être adjoints, essentiellement à visée symptomatique pour palier des effets secondaires de certains traitements, pour traiter l’anxiété, fréquente dans les schizophrénies (anxiolytiques), ou pour traiter toute pathologie comorbide psychiatrique (antidépresseurs, thymorégulateurs….) ou somatiques.
Son intérêt est relativement modeste dans les schizophrénies.
On la retrouve néanmoins dans le cas d’inefficacité majeure des antipsychotiques, essentiellement dans la dimension déficitaire telle que la catatonie et toujours en association avec au moins un antipsychotique.
L’autre indication correspond à l’existence d’un trouble de l’humeur sévère associé et réfractaire aux traitements médicamenteux.
Elles demeurent nécessaires même en phase initiale et aiguë. Complémentaires des autres traitements, elles ne peuvent en aucun cas se substituer aux médicaments psychotropes.
Certaines précautions devront être prises dans certains cas.
Certaines thérapies structurées sont particulièrement intéressantes en particulier cognitivo-comportementales et psychosociales.
Parmi les thérapies structurées cognitivo-comportementales, on peut citer les thérapies visant à permettre une réadaptation du patient à son contexte de vie, telles que le « réentraînement aux habilités sociales » ou la remédiation cognitive.
Les thérapies dites institutionnelles sont actuellement souvent utilisées par le biais de groupes de parole, « art thérapie », sorties thérapeutiques, hôpital de jour….
Les thérapies familiales structurées seront également intéressantes sur un modèle systémique.
Concerne tout à la fois le patient mais aussi son entourage.
Connaître la maladie, ses manifestations pathologiques, ses prodromes (signes précurseurs annonciateurs d’une rechute), ses traitements comprenant les effets bénéfiques mais également les éventuels effets indésirables, représente aujourd’hui une dimension essentielle de la prise en charge des schizophrénies.
Cette psychoéducation comporte des entretiens familiaux et individuels.
Dans un premier temps, l’objectif est de permettre une alliance, la création d’un lien entre le patient, l’équipe soignante et l’entourage, en particulier familial, indispensable en raison du caractère chronique de cette pathologie.
Par la suite, l’enjeu est le maintien du traitement sur le long terme avec les risques de rupture thérapeutique qui représentent un risque évolutif fréquent dans ces pathologies.
En effet, seule la poursuite des traitements sur le long cours peut permettre d’envisager une évolution qui ne soit pas marquée par de fréquentes rechutes et récurrences morbides comportant à chaque fois la menace d’une aggravation de la maladie et de son impact socio-professionnel.
Elles permettent le maintien, autant que faire se peut, des patients dans un système scolaire pour les plus jeunes et dans un contexte professionnel pour ceux qui en faisaient déjà partie.
L’ensemble de ces différentes possibilités thérapeutiques impose une stratégie thérapeutique claire.
Initialement, l’hospitalisation en milieu spécialisé s’impose le plus souvent, parfois même sans le consentement du patient.
Par la suite, la prise en charge en ambulatoire devra être privilégiée le plus possible.
La durée du traitement est variable selon la typologie de la schizophrénie, selon la sensibilité du patient à la prise en charge et à la qualité du lien thérapeutique. Dans tous les cas, la durée du traitement s’inscrit au minimum sur plusieurs années (au moins 5 ans sans rechute) et il pourrait même être définitif.
L’implication des différents intervenants impose la coordination mais aussi l’alliance des différents protagonistes avec le patient, mais également entre eux.
Le pronostic de ces affections demeure sévère malgré les progrès thérapeutiques récents car, au-delà des récurrences des épisodes psychotiques, de la permanence d’éventuels symptômes malgré les traitements et des conséquences socio-professionnelles souvent majeures, ce pronostic est également aggravé par les fréquentes maladies associées et autres accidents intercurrents.
Parmi ces maladies, on peut citer les affections liées à la surconsommation tabagique et d’autres toxiques.
L’incidence du suicide aggrave malheureusement le pronostic de façon également importante.
La survenue d’une grossesse chez une femme porteuse de troubles schizophréniques est toujours une situation périlleuse tant pour la femme que pour l’enfant à venir.
Classiquement, la grossesse soit décompense la maladie schizophrénique soit accentue le désordre psychotique, ce qui impose une surveillance accrue et généralement dans la collaboration serrée entre les équipes obstétricales et psychiatriques.