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Première greffe d’une oreille à partir de cellules humaines et d’une imprimante 3D

Dr Benchimol Yéhouda11 juin 2022

Une première mondiale

Une jeune femme âgée de 20 ans, née avec une oreille droite hypotrophiée et déformée, a bénéficié d’une greffe d’oreille fabriquée à l’aide d’une imprimante 3D à partir de ses propres cellules cartilagineuses. C’est ce qu’a annoncé une équipe médicale américaine le 2 juin 2022 à l’issue de cette première mondiale. Il s’agit d’une avancée majeure dans le champ de l’ingénierie tissulaire.

La start-up américaine 3DBio Therapeutics, société de médecine régénérative basée à New York et l’équipe médicale du Docteur Arturo Bonilla, chirurgien pédiatrique de l’oreille et fondateur d’un institut spécialisé dans le traitement de cette malformation au Texas, viennent de publier le résultats préliminaires d’un essai thérapeutique toujours en cours.

L’opération a eu lieu au Microtia-Congenital Ear Deformity Institute, situé à San Antonio dans le Texas aux Etats-Unis dans le cadre d’un essai clinique incluant 11 personnes âgées de 6 à 25 ans atteintes de microtie.

Les patients seront suivis pendant 5 ans afin d’évaluer l’innocuité de la technique ainsi que leur devenir sur le plan esthétique. Les résultats définitifs seront publiés une fois l’essai terminé.

Qu’est ce que la microtie ?

La microtie est une malformation congénitale rare de l’oreille externe. Elle est observée le plus souvent chez les patients de sexe masculins, et survient de manière sporadique ou héréditaire.

La microtie se caractérise par une absence partielle ou totale du pavillon de l’oreille.  Le plus souvent unilatérale, dans environ 85 % des cas, elle implique l’oreille droite dans 60 % des cas. Elle touche parfois les deux oreilles et peut s’associer à des malformations du visage, dont la plus fréquente est l’hypoplasie mandibulaire, dans laquelle une joue est moins développée que l’autre.

La forme la plus prononcée constitue l’anotie, caractérisé par une absence complète de l’oreille externe et du conduit auditif.

Le taux d’incidence de cette anomalie en Europe est d’environ 15 sur 100.000 naissances. Ces patients développent parfois des troubles de l’audition car, bien que l’oreille interne soit intacte, les sons y parviennent mal.

La patiente greffée

La patiente opérée est une femme âgée de 20 ans originaire de Mexico, atteinte de microtie à l’oreille droite.

Traitement chirurgical conventionnel

Habituellement, la reconstruction de l’oreille peut se faire à l’aide d’une prothèse créée à partir d’un prélèvement de cartilage costal du patient, ou en utilisant un implant synthétique en polyéthylène poreux. L’intervention est douloureuse et nécessite une hospitalisation de quelques jours. La prothèse n’est pas parfaitement symétrique par rapport à l’oreille opposée.

Le chemin parcouru par l’oreille : biopsie, culture cellulaire, impression 3D, greffe

Plusieurs phases se sont succédé pour cette opération.

Le chirurgien a commencé par la réalisation d’une biopsie avec le prélèvement d’un demi gramme de tissu vivant de cartilage de l’oreille externe malformée de la patiente.

Le prélèvement a été envoyé à la start-up, où les chondrocytes, cellules responsables de la croissance du cartilage, ont été isolés puis multipliés par la mise en culture cellulaire.

Les millions de colonies cellulaires obtenues ont été ensuite mélangées dans de l’hydrogel de collagène, de la même manière qu’un boulanger mélange de la farine, de la levure et de l’eau pour préparer du pain, puis la préparation finale a été introduite dans l’imprimante 3D.

Le processus de bio-impression 3D a permit d’asperger cette préparation pour obtenir un implant d’une forme identique et symétrique à celle de l’oreille saine de la patiente, à l’aide de mesures prises préalablement sur son oreille gauche. Cet implant a été baptisé “AuriNovo”.

La procédure d’impression a duré moins de dix minutes.

L’oreille ainsi imprimée a été encapsulée dans une fine coque protectrice biodégradable elle aussi imprimée, puis conservée au froid dans un récipient, adressée à l’équipe chirurgicale pour être implantée en chirurgie ambulatoire.

L’implant a été greffé sous la peau, juste au-dessus de la mâchoire. Une fois greffé, la peau se tend puis prend la forme d’une oreille toute neuve… La coque sera absorbée par le corps de la patiente et en quelques mois, le collagène sera remplacé par un authentique cartilage.

Si tout se passe bien, avec le temps, la greffe devrait prendre l’aspect et le toucher d’une oreille naturelle.

À gauche, la patiente avant son opération ; à droite, la patiente 30 jours après l’opération (crédit photos : Dr Arturo Bonilla, Microtia-Congenital Ear Institute)

Avantages

Selon la start-up 3DBio Therapeutics, plusieurs avantages apparaissent avec ces technologies :

  • Une forme identique et symétrique par rapport à l’oreille saine controlatérale ;
  • Un aspect, une sensation et une flexibilité d’une oreille naturelle ;
  • Chirurgie moins invasive par rapport aux procédures classiques ;
  • L’oreille suit la croissance et l’évolution de la personne greffée ;
  • Pas de signes de rejet puisque l’oreille greffée est issue de cellules provenant des propres cellules du patient.

Quelles perspectives pour l’avenir ?

Nombreuses sont les start-up dans le domaine des biotechnologies.

En janvier 2022, la transplantation d’un cœur porcin génétiquement modifié a un homme âgé de 57 ans soufrant d’une maladie cardiaque lui permet de gagner deux mois supplémentaires d’espérance de vie.

Des médecins suisses ont rapporté l’allongement de la durée de préservation d’un greffon hépatique à 72 heures.

Une société israélienne a rapporté l’impression 3D d’un réseau de vaisseaux sanguins nécessaires pour la transplantation de tissus vivants.

La fabrication de prothèses orthopédiques à l’aide d’une impression 3D n’est pas une nouveauté, mais la transplantation d’une oreille fabriquée à partir d’une culture cellulaire provenant du cartilage de l’oreille malformée semble être le premier cas mondial d’une impression 3D suivie d’une greffe d’un tissu vivant.

Cet essai clinique ouvre la voie vers l’utilisation de cette technologie à plus grande échelle, pour des affections impliquant des malformations, traumatismes ou usure d’organes, tels que les cartilages, le nez, les ménisques, les disques intervertébraux ou la reconstruction du sein.

A plus long terme, l’impression d’organes tels que le foie, les reins ou le pancréas deviendrait sans doute possible.

Pendant ce temps là, la patiente greffée peut désormais se tresser un chignon et exposer ses belles oreilles symétriques plutôt que de les cacher derrière des cheveux détachés pour sortir en soirée…

Crédit photos

Pixabay

Sources

https://www.orpha.net/

3DBio

The New York Times

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