Il est habituel de parler de la schizophrénie alors que dans les faits, il s’agit d’un groupe d’affections assez hétérogènes mais néanmoins contenant plusieurs entités reconnaissables et identifiables qu’il convient d’individualiser pour une meilleure compréhension de ces pathologies.
Plusieurs articles seront donc consacrés à cette constellation d’affections psychiatriques.
Nous évoquerons :
Commençons par le commencement, c’est-à-dire la clinique des états schizophréniques.
Une des grandes complexités du diagnostic de ces affections réside dans le fait qu’il n’existe à ce jour aucun argument diagnostique de certitude, qualifié de pathognomonique. Rien dans l’examen clinique, mais également dans les différentes explorations complémentaires, ne peut venir affirmer ce diagnostic devant une symptomatologie souvent polymorphe et riche. Néanmoins certains symptômes, que nous qualifierons de « premier rang », sont suffisamment évocateurs et plus fiables que d’autres pour que leur existence dans le tableau clinique permette d’évoquer le diagnostic de trouble schizophrénique.
Une autre dimension fondamentale pour poser ce diagnostic avec une forte probabilité positive, est le temps. Le temps d’évolution symptomatique, mais également le temps d’évolution sous traitement symptomatique, demeure une dimension majeure à ne pas négliger avant de porter un diagnostic de schizophrénie et 6 mois d’observation clinique semblent être un minimum.
Comme souvent en psychiatrie, les progrès de la connaissance médicale ont fait évoluer ce concept de schizophrénie dans l’histoire de la médecine.
Sans remonter dans des temps trop reculés, à l’heure où la schizophrénie n’appartenait pas à une médecine rudimentaire mais plutôt à la démonologie et à la spiritualité religieuse, l’histoire de ces affections commence véritablement dans l’histoire de la médecine moderne par la description princeps de la « Dementia Praecox » par Kraepelin, correspondant à un affaiblissement des fonctions intellectuelles survenant précocement chez le sujet jeune.
On doit à Bleuler, un médecin du XIXe siècle, le terme de « schizophrénie » critiquant la démence précoce kraepelinienne devant des patients qui ne présentaient pas systématiquement une détérioration précoce et inéluctable.
Durant le XXe siècle, les différentes recherches et réflexions se sont multipliées pour aboutir à la conception actuelle des schizophrénies et il serait surprenant de croire, au vu des hypothèses de recherche actuelles, que cette entité nosographique demeure figée.
Le mode d’entrée dans la schizophrénie peut se faire soit de façon aiguë, brutale, souvent par un passage à l’acte incohérent, ou bien de façon progressive, généralement chez l’adolescent ou l’adulte jeune.
L’épisode psychotique aigu correspond généralement à l’apparition brutale d’un délire, généralement associé à de l’agitation ou de l’agressivité, sous-tendu par une forte anxiété.
Le passage à l’acte peut être également inaugural, comme une fugue ou un voyage pathologique, mais aussi un acte médico-légal (meurtre), une automutilation souvent par un caractère dramatique (émasculation), voire un suicide.
Le diagnostic des schizophrénies est purement clinique. Il n’existe aucune anomalie biologique ou structurale.
Néanmoins, certains examens complémentaires seront utiles à réaliser, essentiellement pour éliminer d’autres diagnostics en particulier en rapport avec l’usage de toxiques, mais aussi certaines anomalies métaboliques ou endocriniennes.
Le diagnostic de schizophrénie repose sur trois groupes de symptômes :
Un quatrième groupe de symptômes qualifiés de « neurocognitifs » est également décrit, bien que ne participant pas au diagnostic des schizophrénies, mais dont l’existence participe fortement et précocement aux détériorations psychosociales des patients schizophrènes.
Les différents sous-groupes des schizophrénies seront définis selon la prédominance symptomatique de telles ou telles manifestations pathologiques appartenant aux différents groupes positifs, négatifs et désorganisés.
Dans la dernière mouture du manuel diagnostic des maladies mentales, le DSM V, en cours de traduction française, on retrouve comme élément de diagnostic positif :
Pour mémoire, il est utile de rappeler qu’aucun de ces symptômes n’est pathognomonique des schizophrénies. Les symptômes de premier rang, à forte probabilité positive, comportent une dimension constante et remarquable. Le sujet considère, avec une adhésion sans critique, que certains de ses actes et faits personnels ne sont pas les siens, mais ceux d’autrui qui vient le diriger et le contrôler. Il existe une dissolution, perçue de façon douloureuse, de la « frontière » entre le sujet et autrui.
Par symptômes positifs de premier rang, on décrit :
Parfois les sujets décrivent un véritable automatisme mental, avec le sentiment que les pensées se déroulent sans contrôle par autrui ni par eux-mêmes.
La prépondérance des symptômes positifs permet de décrire la « schizophrénie paranoïde ».
Ces symptômes négatifs touchent la sphère comportementale mais également émotionnelle et cognitive. Ils correspondent à l’altération de la volonté, responsable d’une incapacité à initier des actes.
Ces symptômes sont responsables souvent d’une importante incapacité fonctionnelle génératrice de handicaps comportemental et social souvent majeurs.
On décrit :
L’ensemble de ces symptômes pouvant s’associer diversement, donnant un aspect déficitaire des patients schizophrènes. On parle ainsi classiquement du « repli autistique » chez ces patients froids et isolés sur le plan relationnel et affectif.
Ces symptômes négatifs ont les caractéristiques remarquables d’être souvent assez stables dans le temps, d’autant qu’ils sont souvent résistants aux différents traitements mis en place.
On comprend dès lors que cette prédominance symptomatique négative est responsable d’une désocialisation majeure invalidante.
Au plus fort, on parlera de « schizophrénie catatonique » marquée par une catalepsie, associée à un négativisme majeur, des périodes d’activité motrice excessive et stérile et des activités en miroir. On parlera d’échopraxie (gestes en miroir), d’écholalie (répétition des propos de l’interlocuteur en miroir) et d’échomimie (mimiques singes en miroir).
La désorganisation correspond à l’incapacité à construire un comportement ou un discours cohérent et adapté.
On parle également du syndrome dissociatif psychotique ou de la discordance idéo-affective qui se définit par le caractère contradictoire des affects et de certaines émotions lors de certaines décisions et actions.
Cette désorganisation ou dissociation touche différentes sphères du langage, des comportements et de la pensée.
On retrouve fréquemment un agrammatisme, déterminant un propos parsemé d’erreurs syntaxiques, des barrages de la pensée qui se manifestent par un arrêt brutal, une suspension brutale de la parole inopinés et spontanés.
Également, on parle volontiers du discours circulaire, avec de multiples circonvolutions donnant un propos fermé, énigmatique, cryptique, se dirigeant vers son but par des voies détournées.
Le discours est allusif, parsemé de nombreux sous-entendus inappropriés, souvent diffluent, s’égarant dans de multiples directions incohérentes.
A l’extrême peut exister une schizophasie ou langage schizophrénique donnant l’impression d’une langue irréelle, source de croyance en des possessions démoniaques faisant des schizophrènes les « suppôts de satan ».
Le propos est rempli de néologismes (invention de mots nouveaux), de paralogismes (attribution de sens nouveaux à certains mots existants). La pensée est illogique, incohérente, alambiquée, tangentielle.
Le mot qui qualifie de la façon la plus appropriée ces troubles est la bizarrerie, c’est-à-dire l’étrangeté des comportements et des affects.
On retrouve des actes insolites, des comportements ambivalents et paradoxaux.
A cette désorganisation des actes correspond également une désorganisation des affects sous la forme des rires et sourires immotivés, ou à l’inverse une impénétrabilité, un maniérisme discordant voire un négativisme qui se manifeste habituellement par le refus de la « main tendue » et des autres manifestations de la politesse.
Lorsque les symptômes dissociatifs sont prédominants, on parle de « schizophrénie désorganisée »
Ils ne sont pas spécifiques et donc ne participent pas du diagnostic avéré des schizophrénies. Néanmoins leur caractère particulièrement invalidant et leur fréquence (chez 70 à 80 % des patients) méritent qu’on s’y attarde.
On retrouve des troubles de la mémoire de travail, de l’attention en particulier l’attention soutenue, visuospatiale et sélective, la fluidité verbale et cognitive, la flexibilité cognitive ainsi que la planification et l’adaptabilité contextuelles.
La difficulté de l’évaluation de ces altérations cognitives réside dans la mauvaise corrélation entre ces anomalies et les plaintes du patient souvent totalement absentes.
Le diagnostic des schizophrénies est purement clinique. Il n’existe aucune anomalie biologique ou structurale.
Néanmoins, certains examens complémentaires seront utiles à réaliser, essentiellement pour éliminer d’autres diagnostics en particulier en rapport avec l’usage de toxiques, mais aussi certaines anomalies métaboliques ou endocriniennes.
Dans la dernière mouture du manuel diagnostic des maladies mentales, le DSM V, en cours de traduction française, on retrouve comme élément de diagnostic positif :