Sans être tout à fait identique, la personnalité borderline recoupe, voire même est souvent confondue avec la notion d’état limite.
L’appellation «personnalité borderline», valable dans le manuel diagnostic anglo-saxon DSM, rejoint la « personnalité émotionnellement labile » dont il existe deux types (type impulsif et type borderline) dans le manuel diagnostic international CIM10.
Même si ce terme de personnalité borderline est actuellement facilement utilisé, souvent d’ailleurs de façon inappropriée, ce qui pourrait laisser penser qu’il s’agit d’une expression moderne, le terme de «borderline» a été utilisé pour la première fois aux États-Unis pour qualifier des cas de symptômes physiques survenant dans des affections psychiatriques, avant d’être oublié.
La réactualisation de ce concept est secondaire aux travaux psychanalytiques durant les années 1940, dans lesquels il s’agissait de distinguer névrose et psychose, en évoquant l’existence éventuelle de forme de «passage» entre les deux entités.
En 1959, c’est Schmideberg qui a décrit le premier «l’état limite» comme une organisation «stable dans l’instabilité», limitrophe des névroses, des psychoses et de la psychopathie, en insistant sur le défaut de modulation émotionnelle et de tolérance à l’angoisse et sur les affects dépressifs de ces patients, sur leurs comportements excessifs et leurs tendances aux «passages à l’acte» destinés à lutter contre une sensation de vide intérieur, leur intolérance aux frustrations et leur trouble du jugement.
Mais c’est à Bergeret dans les années 1970, que l’on doit l’individualisation de l’état limite comme une troisième voie psychopathologique distincte, intermédiaire entre les «névroses et les psychoses», en rejetant ainsi le risque d’un syndrome « fourre-tout ».
Il fallut attendre le milieu des années 1980, pour avoir les descriptions les plus abouties, sur lesquelles on fonde aujourd’hui le diagnostic de personnalité borderline.
La prévalence de la personnalité borderline serait d’environ 2 % si l’on prend la moyenne des études récentes dans la population générale.
Il ne semble pas exister de différence entre les hommes et les femmes.
Par contre, si on considère la population « clinique », cette prévalence grimpe aux alentours de 20 % en moyenne, ce qui témoigne de la forte morbidité des porteurs de ce trouble de la personnalité, avec une prévalence féminine, même si probablement il existe un biais de «recrutement», les femmes demeurant plus enclines aux soins psychiatriques que les hommes en général.
L’importance des facteurs environnementaux dans la compréhension du trouble borderline a été soulignée par de nombreux auteurs et confirmée, à quelques nuances près, par les études épidémiologiques récentes.
Environ 90 % des patients rapportent un antécédent d’abus dans l’enfance et/ou de négligence émotionnelle avant 18 ans.
Ces antécédents traumatiques sont significativement plus fréquents (en particulier les abus sexuels, notamment dans l’enfance) et surviennent à un âge plus précoce chez les patients borderline que ce que l’on observe dans d’autres troubles de la personnalité.
En outre, la sévérité des abus sexuels dans l’enfance et des autres formes de maltraitance est significativement corrélée à la fois à la sévérité de la psychopathologie borderline et au dysfonctionnement psychosocial.
On retrouve par ailleurs de forts antécédents d’intolérance à la frustration durant l’enfance.
Enfin, il est assez fréquent de retrouver dans la constellation familiale des sujets porteurs des traits de caractère «borderline».
Dans la perspective du DSM-IV, la personnalité borderline correspond à un mode général d’instabilité dans les relations interpersonnelles, de l’image de soi et des affects avec une impulsivité marquée, comme en témoignent au moins cinq des manifestations suivantes :
Le tableau symptomatique présenté par les patients «limites» est marqué par l’extrême polymorphisme des manifestations.
Aucun de ces éléments ne s’avère pathognomonique, c’est-à-dire désignant de façon indiscutable le diagnostic de certitude.
L’ensemble des critères diagnostiques recoupe les quatre principaux domaines d’expression de ce trouble, à savoir :
Il est fréquent de retrouver des passages à l’acte suicidaire récurrents.
L’angoisse constitue une manifestation centrale du trouble, constante, d’intensité variable. Elle est fluctuante, allant de la « crise aiguë d’angoisse » avec son cortège de manifestations somatiques (palpitations, bouffées de chaleur, vertiges…) à un sentiment de malaise existentiel diffus, faisant écran dans le champ relationnel entre le patient et son entourage : angoisse de l’abandon, d’une perte de l’appui de l’entourage, écho à sa dépendance à l’environnement.
Il est classique d’évoquer les difficultés d’insertion socioprofessionnelle chez ces patients présentant ce trouble de la personnalité, surtout quand celui-ci est décompensé. Le fonctionnement social semble être le secteur dans lequel les difficultés sont les plus stables.
En outre, les expériences de violence à l’âge adulte sont particulièrement fréquentes.
D’une manière générale, ces patients sont davantage exposés à la répétition d’évènements de vie négatifs.
Malheureusement, l’incidence du suicide est élevée chez ces patients, assez proche d’autres pathologies telles que les troubles de l’humeur et les schizophrénies.
Les psychothérapies de long cours sont le traitement de choix du trouble, alors que les psychotropes n’auront comme objectif que de réduire certains symptômes invalidants.
Le recours à l’hospitalisation ne doit s’envisager qu’à l’occasion des périodes de crise, en particulier dans le cadre de menace suicidaire, passages à l’acte auto-agressifs, et dans l’objectif d’une mise en sécurité ponctuelle, notamment dans le cadre d’abus de toxiques.
On préfèrera une prise en charge en ambulatoire, d’autant que la prise en charge de ces patients ne peut s’envisager que sur le long terme, et sera bien entendu adaptée à chaque situation.
La prescription de psychotropes concerne des symptômes cibles (automutilations, instabilité affective, impulsivité, problèmes interpersonnels, colères, symptômes psychotiques ou dissociatifs, anxiété). En outre, les profils d’effets indésirables, l’observance et les risques de détournement d’usage de produits limitent l’utilisation des médicaments, notamment en ce qui concerne les traitements anxiolytiques benzodiazépiniques.
Les antipsychotiques atypiques semblent être les psychotropes les plus intéressants.
Les anticonvulsivants (antiépileptiques) sont également intéressants sur l’impulsivité notamment, ainsi que sur les accès de colère.
La thérapeutique des états limites est toujours longue et difficile. L’instabilité et l’impulsivité expliquent les difficultés d’une prise en charge globale, prolongée et cohérente. Le développement d’une alliance thérapeutique suffisante améliore l’observance des traitements proposés, médicamenteux et psychothérapiques.
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