On rencontre régulièrement lors de l’évolution de certaines affections organiques, dites somatiques, la coexistence d’un État Dépressif Majeur (EDM). On parle alors de « comorbidité ».
Les questions qui surviennent lors de l’émergence de cette comorbidité «psychosomatique» sont importantes à traiter, évidemment à visée diagnostique, mais plus essentiellement à visée thérapeutique.
En effet, méconnaître cette association « malheureuse » détermine souvent des échecs thérapeutiques, tant sur le traitement de l’affection somatique que sur le plan du pronostic de la prise en charge de l’affection organique concomitante.
L’association entre une affection somatique et une dépression est assez fréquente puisqu’on retrouve cette comorbidité chez environ 20 % des patients porteurs d’une affection organique. Pour mémoire, il est bon de se rappeler que la dépression concerne environ 6 à 8 % de la population générale.
Le lien de fréquence est donc établi, ce qui confirme que l’existence d’une maladie organique représente bien un « facteur de stress » de l’État Dépressif Majeur. (Également appelé « facteur de vulnérabilité Dépressive »).
L’apparition de la dépression peut être repérée souvent dans les suites de l’apparition ou au cours de l’évolution de certaines affections, mais aussi parfois peut être inaugurale, révélatrice de ces maladies somatiques.
Il n’est donc pas rare d’être confronté à cette problématique supplémentaire à l’occasion des prises en charge médicales, toutes spécialités confondues.
Quels sont les signes qui doivent nous alerter et nous pousser à évoquer une coexistence entre une dépression avec une maladie organique (même non détectée), potentiellement et classiquement perçue comme étant «dépressogène» ?
Si toutes les maladies somatiques sévères peuvent entraîner une symptomatologie dépressive, certaines sont réputées « dépressogènes », c’est-à-dire plus fréquemment responsables du développement d’une dépression comorbide.
Voici donc quelques exemples qui, sans être exhaustifs, sont particulièrement représentatifs de cette comorbidité fréquente.
Cette maladie dégénérative neurologique est quasiment constamment associée et compliquée par un syndrome dépressif.
L’« originalité » de cette association tient au fait que la dépression articulée avec la maladie de Parkinson sera préférentiellement traitée par la dopamine plutôt que par un traitement antidépresseur.
La chorée de Huntington souvent précédée, longtemps à l’avance, d’une fatigabilité, d’une aboulie, voire une irritabilité, symptômes de la lignée affective.
Dans laquelle la dépression précède souvent les signes organiques.
Ce concept reste aujourd’hui très controversé.
Néanmoins, il est intéressant de remarquer que les accidents vasculaires cérébraux (AVC), aussi bien hémorragiques qu’ischémiques, se compliquent dans environ 50 % des cas d’une dépression.
Les dysthyroïdies, en particulier (mais pas uniquement) les hypothyroïdies, sont classiquement compliquées par des troubles dépressifs qu’il convient de rechercher systématiquement devant une symptomatologie dépressive atypique ou devant une résistance aux traitements antidépresseurs.
Les hyperthyroïdies sont également fortement associées à des épisodes dysphoriques, souvent résistants.
L’hyper ou l’hypocorticisme qui correspondent à des anomalies quantitatives et/ou qualitatives de la sécrétion surrénalienne du cortisol, sont fortement impliqués dans cette association, avec souvent au premier chef une asthénie majeure, permanente et invalidante.
La comorbidité entre le diabète et la dépression est très probablement multifactorielle, impliquant des phénomènes psychologiques inhérents à la chronicité et à la sévérité de ces affections mais également probablement en lien avec les modifications vasculaires des microvaisseaux cérébraux.
Cette comorbidité est un des éléments de discussion du concept de « dépression vasculaire » dont l’étiopathogénie dépressive serait d’ordre essentiellement vasculaire.
Cette affection auto-immune s’associe constamment à un état dépressif, chronique, récidivant et très souvent résistant aux traitements.
Il est très classique de retrouver dans ces maladies inflammatoires une dépression. Il est d’ailleurs également d’actualité d’évoquer les possibles origines inflammatoires de la dépression. Cette « hypothèse inflammatoire de la dépression » représente une voie de recherche intéressante et novatrice au même titre que les troubles immunitaires retrouvés en rapport avec l’état dépressif.
Cette comorbidité « circulaire » étant manifeste dans ce groupe d’affections médicales.
La prévalence de la dépression au cours du cancer augmente avec l’intensité et la sévérité des symptômes tels que douleurs et fatigue.
Réciproquement, la dépression peut interférer avec l’évolution du cancer, altérant l’adhésion au traitement médical et affectant les fonctions immunitaires et endocriniennes.
La prévalence de la dépression dans les affections cancéreuses est ainsi répartie :
Cette association pose la question récurrente d’un lien de causalité entre la dépression et les cancers. Devient-on dépressif à cause de l’irruption d’une néoplasie dans sa vie et/ou la dépression est-elle responsable du développement d’un cancer ?
La question est complexe, actuellement toujours pas tranchée, même si la dépression ne semble pas représenter, dans les dernières recherches, un facteur de développement d’un cancer.
Par contre, la réflexion autour d’une dépression « paranéoplasique » semble aujourd’hui bien plus pertinente, sans être affirmatif. Cette hypothèse néoplasique pourrait par ailleurs se rapprocher de l’hypothèse inflammatoire de la dépression.
Au final, la grande question concerne le rôle de l’immunité dans l’étiopathogénie des états dépressifs majeurs : EDM comme conséquence de la lutte physiologique face à des stress intenses et/ou répétés et/ou chroniques ?
La dépression est fréquente au cours de l’alcoolisme avec des chiffres de prévalence de l’ordre de 50 % vie entière.
On distingue :
Enfin, il n’est pas rare d’être confronté à une dépression de sevrage qui survient classiquement quelques semaines après le sevrage.
On évoque alors une « tendance dépressive » qui disparaît spontanément le plus souvent par une prise en charge psychothérapique rapprochée, en consultation.
Comme preuves supplémentaires de la réalité biologique des dépressions, il existe un grand nombre de médicaments qualifiés de « dépressogènes », c’est-à-dire fréquemment associés au développement d’un état dépressif majeur, chez une personne ne présentant pas de facteur de risque.
Sans les citer tous, on retiendra :
Le traitement des dépressions « organiques » comportent le traitement de l’affection organique ET de l’état dépressif majeur, comme deux entités distinctes.
Cette comorbidité étant malheureusement souvent un facteur de résistance aux traitements et donc un frein évolutif manifeste.
Une exception néanmoins : La dépression « parkinsonienne » dont le traitement doit d’abord se faire par la dopamine avant d’envisager un traitement antidépresseur, essentiellement en cas de résistance.
Comme souvent les exceptions confirment la règle.
L’existence d’une organicité doit être évoquée devant tout état dépressif atypique et particulièrement devant une résistance de cette dépression à des traitements bien conduits, en durée et en dose.
D’autant plus devant l’intrication des symptômes somatiques avec les symptômes de la lignée dépressive, ce qui est parfois difficile à déterminer.
Cette coexistence d’une affection organique avec la dépression pose la question, actuellement non résolue, de la causalité des dépressions et, actuellement avec une pertinence variable, celle de la genèse de certaines affections du fait de la dépression.
Le lien de fréquence est donc établi, ce qui confirme que l’existence d’une maladie organique représente bien un « facteur de stress » de l’état dépressif majeur. (également appelé « facteur de vulnérabilité dépressive »).
L’apparition de la dépression peut être repérée, souvent dans les suites de l’apparition ou au cours de l’évolution de certaines affections, mais aussi parfois peut être inaugurale, révélatrice de ces maladies somatiques.
Il n’est donc pas rare d’être confronté à cette problématique supplémentaire à l’occasion des prises en charge médicales, toutes spécialités confondues.