La continence urinaire est le résultat d’un équilibre entre la pression intra-vésicale et la pression intra-urétrale. Elle dépend d’un système neuro-musculaire complexe. Pendant la phase de remplissage vésical, la pression urétrale reste supérieure à la pression vésicale chez le sujet continent. Lors d’efforts mettant en jeu les muscles de l’abdomen, la pression vésicale augmente avec le risque théorique d’apparition de fuites urinaires. Le maintien de la continence à l’effort peut s’expliquer par plusieurs mécanismes :
FIGURE 1. Mécanisme de la continence urinaire chez la femme.
A : les muscles élévateurs de l’anus (ea) et le sphincter strié urétral (ssu) sont responsables de la continence urinaire à l’effort. Le sphincter strié urétral est innervé par le nerf pudendal (np). La continence urinaire nécessite une vessie (ve) compliante. Celle-ci reçoit son innervation du système végétatif sympathique et parasympathique provenant des plexus hypogastriques (ph) inférieurs et supérieurs. Il existe des connexions nerveuses entre le muscle vésical et l’urètre aux niveaux central et périphérique qui permettent de coordonner leurs actions.
B : la vagin (va), le muscle élévateur de l’anus (ea) et l’aponévrose pelvienne (ap) qui le recouvre participent à la constitution du plancher urétral. L’arcus tendineus du fascia pelvien (atfp) est un épaississement de l’aponévrose pelvienne qui amarre le vagin et l’urètre au muscle élévateur de l’anus.
C, D : reconstruction 3D (vue endopelvienne) du muscle élévateur de l’anus (ea) à partir de séquences d’IRM réalisées chez une patiente continente (C) et incontinente par hypermobilité vésico-urétrale (D) (images obtenues sur le site : splweb.bwh.harvard.edu). En cas d’incontinence, on note un décrochage (flèche verte) de l’insertion latérale du muscle élévateur de l’anus sur le muscle obturateur interne (oi) à l’origine de l’hypermobilité vésico-urétrale.
Les fibres musculaires lisses du col vésical et de l’urètre sont disposées en deux plans :
Le sphincter strié urétral est composé de fibres musculaires circulaires qui doublent extérieurement le manchon de cellules musculaires lisses urétrales. Des études récentes combinant dissection anatomique et IRM ont montré que le sphincter strié urétral est une entité anatomique distincte séparée des muscles du plancher pelvien par du tissu conjonctif (Dorchner et coll., 1999). Son anatomie est différente en fonction du sexe et de l’âge :
On distingue dans le sphincter strié deux parties avec des fibres différentes par leur origine, leur structure et peut-être aussi leur innervation et leur fonction. Classiquement, la portion para-urétrale, dans la paroi même de l’urètre, est formée exclusivement de fibres de type I (Gosling et coll., 1981), à contraction lente, développant une activité tonique. La portion péri-urétrale appartient aux muscles du plancher pelvien (en particulier la composante pubo-coccygienne de l’élévateur de l’anus) et contient des fibres à contraction rapide (type II) capables de produire une compression volontaire (interruption du jet) ou réflexe (augmentation soudaine de la pression intra-abdominale) de l’urètre. Il existe une certaine plasticité des fibres striées sphinctériennes avec une transformation possible des fibres de type II en fibres de type I par la rééducation pelvi-périnéale (Bazeed et coll., 1982b).
Chaque composante de la paroi urétrale (muqueuse, sphincter strié et muscle lisse) contribue à développer la pression intra-urétrale qui doit rester supérieure à la pression intra-vésicale pour garantir la continence. La participation effective de chacun de ces éléments dans la pression de clôture urétrale est encore débattue. Le blocage de l’activité du sphincter strié urétral avec les agents de blocage neuromusculaire nicotinique (curare) réduit le tonus urétral d’environ 33 % (Rud et coll., 1980). Chez le chien, la section des plexus hypogastriques diminue la pression urétrale de 46 % sans modifier la pression dans l’urètre distal autour duquel se trouve le sphincter strié urétral. La section bilatérale du nerf pudendal abaisse la pression à ce niveau de près des 2/3 (Ali-el-dein et coll., 2001).
FIGURE 2. Sphincter strié de l’urètre et muscles du périnée chez la femme (d’après B. Mauroy, EMC 18-400-A-10, 1996).
1. Utérus.
2. Vessie.
3. Urètre.
4. Vagin.
5. Sphincter strié urétral et son insertion sur le vagin.
6. Muscle compresseur de l’urètre.
7. Muscle bulbo-spongieux.
8. Muscle élévateur de l’anus (faisceau médial).
9. Centre tendineux du périnée.
10. Sphincter externe de l’anus.
L’appareil vésico-sphinctérien reçoit une innervation sympathique, parasympathique et somatique. Il existe de nombreuses connections centrales et périphériques entre ces différents systèmes qui assurent leur coordination lors de la miction et de la phase de remplissage vésical.
Le sphincter strié urétral est essentiellement innervé par le nerf pudendal. Celui-ci naît du plexus pudendal, constitué par la réunion des deuxième, troisième et quatrième nerfs sacraux puis quitte le bassin et y revient après avoir contourné l’épine ischiatique ; il longe ensuite la paroi latérale de l’étage inférieur de la fosse ischio-rectale, dans un dédoublement de l’aponévrose du muscle obturateur interne, le canal pudendal, au contact du prolongement falciforme du ligament sacro-tubéral. Un contingent de fibres nerveuses somatiques destinées au sphincter strié urétral pourrait avoir un trajet sus-lévatorien et constituer une voie nerveuse motrice accessoire (Arango et coll., 2000 ; Borirakchanyavat et coll., 1997a).
Le centre somatique sacré se situe dans le noyau d’Onuf, dans la corne antérieure de S2 à S4. Deux centres ont été identifiés dans le tronc cérébral. La stimulation du centre médian (M), décrit par Barrington, reproduit une miction réflexe qui débute par une relaxation sphinctérienne suivie, en moins de 2 secondes, d’une contraction vésicale. Le centre latéral (L) est connecté avec les cellules du noyau d’Onuf. Sa stimulation induit une forte contraction sphinctérienne et périnéale. Le centre cérébral du contrôle volontaire est l’aire somatomotrice (ou précentrale), située dans le gyrus précentral. Le noyau d’Onulf reçoit également des informations de l’hypothalamus, des neurones sérotoninergiques du raphé et de neurones adrénergiques bulbo-spinaux.
Le nerf pudendal est un nerf complexe qui contient à la fois des fibres somatiques et végétatives (Bradley et Teague,1977 ; Dail et coll., 1999 ; Colombel et coll., 1999). La nature des fibres nerveuses impliquées dans la commande du sphincter strié urétral est encore controversée. Pour certains auteurs, le système végétatif pourrait moduler les contractions du sphincter strié urétral (Kakizaki et coll., 1991 1994) : chez le chat, la stimulation des nerfs hypogastriques (système nerveux autonome) déclenche des potentiels myogéniques dans le sphincter strié urétral qui persistent après blocage α-adrénergique. Ceci indique qu’il s’agit probablement de potentiels issus des fibres musculaires striées et non de cellules musculaires lisses qui pourraient être présentes dans le sphincter strié. Les particularités embryologiques du sphincter strié urétral (voir chapitre « Etat des connaissances », paragraphe 3.4) et les étroites relations anatomiques et fonctionnelles avec le muscle lisse urétral sont probablement à l’origine de cette innervation complexe et inhabituelle pour un muscle strié.
Il existe de nombreuses connexions aux étages périphérique et central entre le système nerveux végétatif vésical et somatique sphinctérien. Le système parasympathique induit une inhibition réciproque sur le système sympathique et somatique. Pendant la phase de remplissage, les neurones moteurs du sphincter strié sont activés par les afférents vésicaux. Le remplissage expérimental de la vessie s’accompagne d’une augmentation de l’activité EMG du sphincter strié urétral. Inversement, la contraction vésicale induit une relaxation sphinctérienne et la contraction volontaire du sphincter strié inhibe la contraction vésicale et le besoin d’uriner. Ce réflexe sacré peut être modulé par un contrôle supra-spinal facilité par l’activation des récepteurs sérotoninergiques.
Les principaux neurotransmetteurs impliqués dans le contrôle vésico-sphinctérien sont : l’acétylcholine (nerfs pelviens parasympathiques et nerf somatique pudendal), la noradrénaline (nerfs hypogastriques sympathiques), la sérotonine, le glutamate, le GABA et la dopamine. Des travaux récents ont montré que la sérotonine et la noradrénaline pourraient jouer un rôle majeur dans la modulation de la contraction du sphincter strié urétral. D’autres études ont mis en évidence l’existence de NOSynthase (monoxyde d’azote synthase) dans le sphincter strié urétral. Le NO est connu pour son implication dans la relaxation du muscle lisse. Son rôle dans le relâchement du sphincter strié urétral n’est pas encore clairement établi.
Le sphincter strié urétral reçoit donc une innervation complexe qui doit être prise en considération lors de la mise au point de tout traitement visant spécifiquement à augmenter son tonus urétral basal.